C’est une nouvelle preuve qui va dans le sens d’un effet cancérigène du glyphosate. Très inquiétantes, les premières données de l'étude mondiale sur le glyphosate1 établissent un lien entre l’herbicide et la leucémie chez des rats exposés à de faibles doses. Le timing de leur divulgation est évidemment tout sauf innocent…
Le feuilleton est interminable. Le 16 novembre prochain, les eurodéputés doivent revoter sur la prolongation ou non de l’autorisation du glyphosate en Europe pour dix ans. Un vote a déjà eu lieu le 13 octobre, mais la majorité qualifiée n’a pas été atteinte.
Alors que le débat fait rage, lors d’une conférence scientifique organisée le 25 octobre à Bologne, des chercheurs de l’institut italien de lutte contre le cancer Ramazzini ont dévoilé les résultats partiels du Global Glyphosate Study (« Étude mondiale sur le glyphosate »). Ces résultats mettent à nouveau en exergue le danger potentiel du glyphosate pour la santé humaine.
Multi-institutionnelle et internationale, impliquant des scientifiques d'Europe, des États-Unis et d'Amérique du Sud, cette étude toxicologique, la plus complète jamais réalisée sur le glyphosate et les herbicides à base de glyphosate, prend en considération plusieurs paramètres importants pour la santé publique mondiale, notamment la cancérogénicité, la neurotoxicité, les effets multigénérationnels, la toxicité pour les organes, les perturbations endocriniennes et la toxicité pour le développement prénatal. Plusieurs articles évalués par des pairs issus de l’étude devraient être publiés dans des revues scientifiques de référence à partir de début 2024.
Des résultats préoccupants
Les premières données ont donc été divulguées 2. Elles montrent que, même à faible dose, le glyphosate peut provoquer une leucémie chez les rats.
Le glyphosate et deux formulations commerciales, à savoir la formulation européenne Roundup BioFlow (MON 52276) et la formulation américaine Ranger Pro (EPA 524-517), ont été administrés à long terme à des rats dès la vie prénatale via de l'eau potable à 0,5, 5 et 50 mg/kg de poids corporel/jour.
Les auteurs de l’étude ont observé « une relation statistiquement significative » entre la dose à laquelle les animaux ont été exposés et l’incidence des leucémies. « Un autre résultat très important est que la moitié des décès par leucémie ont eu lieu à un âge précoce, à moins d’un an chez les rats, ce qui équivaut à environ 40 ans chez des humains », soulignent-ils. Par contraste, aucun cas de leucémie n’a été constaté au cours de la première année sur un échantillon de plus 1 600 rats témoins suivis durant deux décennies par le Programme national de toxicologie (NTP) des États-Unis et l’Institut Ramazzini dans le cadre d’études de cancérogénicité.
Rappelons aussi que la même équipe de recherche avaient déjà révélé les effets perturbateurs endocriniens du glyphosate, et ses conséquences sur le microbiote, à des doses d’herbicide considérées comme non dangereuses par les autorités européennes et étasuniennes.
Réautoriser serait irresponsable
« Nos premières conclusions sont d’une telle importance pour la santé publique que nous avons décidé qu’il était essentiel d’en présenter dès maintenant une synthèse », assume le Dr Daniele Mandrioli, coordinateur de l'étude et directeur de l'Institut Ramazzini.
N’ayant nullement l’intention d’attendre plus longtemps, plusieurs associations environnementalistes, qui plaident depuis longtemps pour l’interdiction du glyphosate, ont d’ores et déjà réagi au quart de tour.
Espérant pouvoir peser sur le scrutin européen, Générations Futures, WeMove et Foodwatch se sont exprimées d’une seule voix. « Il serait totalement irresponsable de réautoriser le glyphosate sans prendre en compte cette nouvelle alerte de la science ». Affaire à suivre…
1. https://glyphosatestudy.org/fr/
2. Communiqué de presse du 25/10/2023 de Global Glyphosate Study
https://glyphosatestudy.org/press-release/global-glyphosate-study-reveals-glyphosate-based-herbicides-cause-leukemia-in-early-life/